Victor Anicet est interviewé par Dominique Brebion

34 ème biennale de Sao Paulo. Septembre -Décembre 2021.

Caravelle. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021
Caravelle. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021
Carcan. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021
Carcan. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021
Caldeira. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021
Caldeira. Céramique de Victor Anicet pour la 34 ème biennale de Sao Paulo 2021

49ème congrès de l'Académie Internationale de la Céramique (Laponie, Juillet 2020)

ON THE EDGE

Du 27 au 31 juillet 2020, le 49ème Congrès de l’Académie Internationale de la Céramique se tiendra Laponie. Les co-organisateurs du Congrès sont l’Arctic Ceramic Center (ACC). Cet évènement biennal est conçu comme un espace de rencontre, d’étude et de débat entre les membres de l’Académie et différents acteurs de la scène céramique locale et internationale. Ce Congrès aura pour thème  » On the Edge ». 

Les principales activités auront lieu à Korundi, le siège du Congrès. Korundi est situé dans la ville de Rovaniemi, une ville en grande partie conçue par l’architecte finnois Alvar Aalto.

Dans le cadre du programme du Congrès, une visite de Posio, un village céramique incontestablement septentrional, sera organisée.  

Les conférences et les expositions seront liées au thème « On the Edge ». Thème qui sera traité par une approche transdisciplinaire et transculturelle.

Pour compléter le programme du Congrès, les pré et post tours, des visites et des expositions satélites seront organisés en Laponie et dans la région d’Helsinki.

Céramique de Victor Anicet pour exposition 2020 de l'AIC

La flamme de l’argile

Pour le céramiste martiniquais, l’argile fait inévitablement lever un imaginaire amérindien. Les Arawaks ont laissé des vases à « ouicou », des brûle-parfums et autres tessons dont des fragments chiffrent désormais le sol. La forme de ces objets témoigne d’une beauté insouciante de l’opposition du gratuit et de l’utile comme du divorce de l’art et de l’artisanat. D’ailleurs, l’œil qui guette la cuisson est indissolublement celui du technicien qui sait éviter que la poterie se fende et celui du coloriste qui vise le brun enveloppé dans le rouge brique de l’argile fraîche. On dirait que la géologie et l’histoire ont conspiré pour faire de la Martinique un berceau de la céramique, car les gisements d’argile sont ici nombreux et le sous-sol volcanique est une forge naturelle.

L’imaginaire amérindien a son centre vivant dans la pratique précolombienne de l’archipel. Avant que les empires coloniaux ne viennent le briser en autant de territoires séparés par les frontières nationales, l’arc antillais formait en effet un archipel reliant les Amériques que les embarcations parcouraient à loisir. L’insularité n’est donc pas une fatalité géographique mais une construction politique. C’est dire que la Martinique est une île d’Amérique, et le Mexique voisin une terre amérindienne.

Le désir imaginant qui relie l’Amérique des deux bords se fracasse de nouveau contre la logique de l’identité. « La tentation du mur », comme la nomment Glissant et Chamoiseau, isole le Mexique de l’Amérique.

C’est lorsque les deux bords ne communiquent plus que fermente le fantasme de l’autre bord, qui n’est plus un rivage mais un mirage. La façade d’or est une vitrine qui cache dans son dos des corps prisonniers de la terre, en train de s’extirper ou arrêtés dans leur élan, on ne sait, et comme nés d’un cauchemar de Michel-Ange. Les corps s’empilent pour former une dérisoire échelle d’épaules adossée vers l’autre côté. Les noces barbares de l’espace et du temps ont engendré un espace irréversible penché sur le vide de l’Eldorado.

Certains jours l’art ne doit pas craindre d’affronter ses monstres. A-t-on idée de cette monstruosité : l’argile pétrie en barbelé doré ? Les quelques liquidités d’argent d’ici rêvent de se métamorphoser en vermeille en se mariant à tout l’or de là-bas. Le rouge dit peut-être le prix de ce rêve. Le bleu est faussement aérien. Il plombe par avance tout franchissement en lui assignant les cordonnées périphériques du bleu outre-mer placé sous son centre de tutelle. Ce que vient confirmer le noir, qui est d’ébène. L’or, lui, est de façade.

Le céramiste n’emprunte pas ces couleurs à la palette du peintre mais directement à la terre et à ses pigments, aux minéraux et à leurs veines. Si les matières, l’or et l’argent, sont en elles-mêmes des valeurs, après le passage du feu du céramiste elles n’ont plus que le clinquant d’un vernis.

L’identité de l’œuvre reste elle indécise, à la lisière de l’objets et du corps, de la céramique et de la sculpture, entre avorton de rêve et matière féconde. Elle n’a d’autre socle que ce tremblement même qui maintient sauve la flamme de l’argile : « un feu, une vie, un souffle est en puissance dans l’argile froide, inerte, lourde » (Bachelard). A sa lueur, tous les bords de la terre appartiennent à une surface commune.

G. Pigeard de Gurbert