Culture et Artisanat (Victor Anicet)

I

Né en Martinique, dans un village de pêcheurs, cerné de champs de cannes, le Marigot commune du Nord Atlantique, j’en ai longtemps parcouru les campagnes avec insouciance jusqu’au jour où à l’instigation de Monsieur François de Reynal, j’ai accompagné au quartier dit de « l’Adoration » le très regretté Père Pinchon,

l’initiateur des recherches archéologiques en Martinique, lequel grattant le sol a mis au jour en ma présence des fragments de poterie. Grâce à ses explications, j’ai découvert avec émerveillement que bien avant l’arrivée des Européens ; puis des noirs, une civilisation avait existé dans notre île, les Amérindiens, en particulier dans ce site privilégié et en avait laissé des traces plastiques.

J’avais découvert qu’à notre peuple multiracial (européen, africain, indien, chinois, américain disait le regretté romancier Vincent Placoly, tout un aspect de notre patrimoine avait été occulté.

Rappelons-nous cette citation d’Eduardo Galéano « Pour que quelque n’existe pas, il suffit de décréter de sa non existence. »

Quelle est la part de l’artiste contemporain vivant dans nos sociétés où volontairement des pans de notre histoire ont été occultés, tronqués.

Ces peuples de l’Avant ont laissé derrière eux un champ de ruines turbulentes parce qu’elles ne cessent de nous troubler, nous interpeller, nous décaler, je parle ici, bien sûr, de la notion de temps. Ces ruines nous décalent par rapport à notre présent.

Et c’est au profane, à l’artiste de se métamorphoser, non pas en chaman, mais en de se faire quêteur d’ombres, quêteur de sens.

C’est à l’artiste contemporain de pratiquer les rites de passage. La chaîne tragique a été rompue, la fonction de l’artiste est le dévoilement de cet aperçu ; car l’île est un réservoir de secrets.

Sur nos terres traquées, nous sommes des déportés.

Je voudrais reconnaître, connaître et appréhender. Avoir la clé ; mais ma quête est vaine et dérisoire. Moi le producteur d’images, je suis au seuil des mondes et je voudrais être le témoin du passage : un passeur. Restituer, non pas reconstituer. Restituer au plus grand nombre les traces que j’ai cru avoir décelées.

Il y a des lignes à relier, des points à marquer, il y a tant de mondes à explorer dans nos îles.

L’artiste doit redistribuer, en de nouvelles donnes, cet héritage d’ombres et de fracas.

Connaître tous les éléments (ou composants) du métissage de ce peuple créole : caraïbe, européen, africain, indien, chinois et leur interprétation dans notre vécu actuel.

Il faut reconstituer la voile brisée. Tâche gigantesque mais empreinte d’humilité. Les signes peuvent être rechargés de nos propres espérances, de notre propre tragique.

« Nos barques sont ouvertes pour tous, nous les naviguons » Edouard GLISSANT

Empruntons à notre tour les gommiers, hissons la voile mosaïque et allons à la découverte de nos mondes.

II

La Culture  « c’est l’ensemble des caractères propres à la vie intellectuelle, artistique, morale et religieuse d’une société » ; mais c’est aussi « l’ensemble des objets produits par un groupe social »

Nécessairement donc, toute culture est inscrite dans son environnement historique et doit y baigner pour pouvoir évoluer et être un moyen de développement d’une société.

Une des composantes de la culture est l’Artisanat

Il faudrait éviter un artisanat coupé de nos racines, qui aurait tendance à flatter le goût de l’exotisme. Or l’Artisanat, produit de notre culture doit être avant tout un ensemble d’objets utilitaires : Les intentions à l’origine des œuvres sont diverses : fonctions religieuses ou mythiques, support de la mémoire collective, besoin de conjurer les forces extérieures devant lesquelles l’homme éprouve de la crainte. L’artisan est donc au service de la communauté

Le matériau ARGILE me permet un langage propre grâce à son champ technique (préparation, modelage, colombinage, plaque, émaillage, cuisson etc..)Il y a là une richesse illimitée. Le champ plastique est d’expression et expérimental. Je puise dans mon environnement le plus proche la recherche de la forme : la mer, le gommier et, les signes dans l’Art de l’AVANT.

Je souhaite que la forme puisse se suffire à elle-même, soit tendue surtout quand il y a l’emploi de, la terre chamottée Autre cas, c’est la teinture qui nous ramène à la nature ou encore l’émail blanc, la «  non couleur », cet émail stanifère qui est une couche vitrifiée, à base d’oxyde de plomb et de silice,rendue blanche et opaque par la présence de sel d’étain

Victor ANICET

Schoelcher Septembre 2006