Le discours d’inauguration à Saint Etienne le 21 mai 2014
Chère Florette, cher José Hayot
Mesdames et Messieurs, Chers amis,
Bonsoir,
Lors d’une exposition que j’ai réalisée l’année dernière dans les Foudres Edouard Glissant salle d’exposition située sur cette Habitation, José Hayot a découvert une de mes créations en céramique et m’a demandé s’il m’était possible de la produire en plus grand pour l’installer dans son parc.
J’ai relevé le défi et avec Michel Pétris, Designer, sculpteur en métal, maitrisant les différentes techniques de soudure, nous avons fabriqué l’œuvre en tôle que vous découvrirez ce soir et que j’ai appelée « La vision du vaincu » Pourquoi cette appellation ?
Tout au long de mes études, j’ai constaté qu’un pan de notre histoire martiniquaise a été occulté : la part de la culture amérindienne.
Durant mon adolescence, j’ai suivi les pas du regreté Père Pinchon sur l’Habitation du Hautmont à Marigot Martinique ; mais qui était le père Pinchon ? Plus religieux que scientifique ou inversement ? En tout cas, il a fait beaucoup pour la mise en valeur de la culture amérindienne grâce à ses fouilles archéologiques aux quartiers l’Adoration, la Marie, la Pointe, Fonds d’Or à Marigot.
Avec mes yeux d’adolescent, je voyais avec émerveillement quelqu’un fouiller le sol Martiniquais et en sortir des tessons riches de gravures, de couleurs et des petits personnages zoomorphes.
Plus tard, après quatre années en section céramique aux Arts Appliqués de la Martinique, je poursuis mes études à l’Ecole des Métiers d’Art de Paris et je consacre mon temps libre à la lecture du journal des Américanistes au Musée de l’Homme.
Et c’est la rencontre exceptionnelle et enrichissante dans les caves de ce Musée avec Eugène Revert, chargé de Mission par le Musée de l’Homme d’effectuer en 1939-1940 des fouilles sur les principaux sites de l’Anse Belleville au Prêcheur, Paquemar au Vauclin, Vivé au Lorrain.
Et puis cette autre rencontre avec Monsieur Henri Lehmann archéologue Allemand d’une gentillesse légendaire, après la guerre, il arrive au Musée de l’Homme. En 1938, il fait l’analyse très poussée d’un vase mexicain de l’époque précolombienne, étude que l’on peut trouver dans le Journal des Américanistes.
Et j’attrape le virus amérindien!!
Je découvre la valeur et la richesse de la culture de ce peuple amérindien à qui le monde doit beaucoup : le maïs, le cacao, le piment, l’ananas, le quipu, le bolas, le caoutchouc, le balata, la tomate, le haricot, le manioc, la pomme de terre….
Mais il convient aussi de signaler leurs temples, leur architecture, leur bible, le popolvu écrit des siècles avant la bible chrétienne, l’astronomie, leur rythme de vie, le matin la chasse, le travail aux champs et l’après-midi le sport, les activités culturelles.
A nous de reprendre tous les possibles de la recherche, de la connaissance de cette civilisation avec tous les caribéens dispersés dans toutes les Universités du Monde.
« Ayons faim de faire » dirait Aimé Césaire
Et je découvre plus j’avance dans mes lectures, que le choc des deux mondes a dû être terrible et je comprends que l’histoire est souvent écrite par les vainqueurs ; alors j’ai décidé de me mettre dans la posture d’un amérindien quand il voit s’approcher des côtes de l’île la caravelle de Christophe Colomb, ses canons et l’imposante masse de ce vaisseau.
Aussi, ce soir je vous propose « la vision du vaincu ».
Les vaincus à jamais ? NON si l’humanité a encore une chance de survie, dans le monde de demain.
Et comme l’a dit Edouard Glissant, « Si nous voulons partager la beauté du monde, si nous voulons être solidaire de ses souffrances, nous devons apprendre à nous souvenir ensemble ».
Discours prononcé à l’Habitation Saint-Etienne au Gros-Morne le 21 Mai 2014.
Autres textes de Victor Anicet:
150 ans après l’esclavage, sommes-nous libres?
Les arts amérindiens et l’art contemporain